Tout au long de sa carrière, Kwame Osei a montré que la durabilité tire avantage de deux types de « chimie » : la science fondée sur la recherche et la capacité à constituer des équipes performantes. En tant que nouveau directeur principal des programmes mondiaux de Rainforest Alliance, il met à profit ses connaissances techniques, son expérience aguerrie du terrain et son leadership naturel pour accompagner la mise en œuvre de notre Stratégie 2030.
Anciennement directeur national pour le Nigéria et le Ghana où il vit actuellement, Kwame Osei a décidé en priorité de forger des relations professionnelles solides avec les producteurs de cacao de même qu’avec les dirigeants d’entreprises, les agents gouvernementaux et de nombreux autres partenaires clés. Son approche ? Bâtir des relations constructives grâce à l’empathie, la tolérance et la confiance.
Découvrez ce que Kwame Osei nous dit à propos des objectifs ambitieux à atteindre, de la raison pour laquelle nous devons placer les producteurs et les communautés rurales au cœur de notre stratégie ainsi que de la nécessité d’obtenir des financements durables à long terme.
Comment avez-vous découvert votre passion pour le développement durable ?
Kwame Osei : En 2009, j’ai décroché un emploi à l’institut Louis Bolk, un centre de recherche en agriculture durable, nutrition et santé. Avant cela, mon expérience se limitait à la recherche en gestion de l’eau. Il y avait un lien avec le développement durable mais ce n’était pas explicitement dit. Il s’agissait surtout d’inciter les exploitants agricoles à produire des légumes « propres ». Mon rôle en tant que chargé de projet à Louis Bolk m’a permis de me rapprocher d’un secteur, d’une chaîne d’approvisionnement et des producteurs eux-mêmes au travers des formations et du renforcement de capacités. Par ce biais, j’ai pu inciter certaines personnes à penser l’agriculture différemment, ce que la recherche pure et dure ne m’aurait pas permis de faire. C’est devenu ma passion : observer les changements concrets en action.
« C’est devenu ma passion : observer les changements concrets en action »
Vous avez passé les dix dernières années chez Rainforest Alliance en tant que directeur national du Ghana et du Nigéria avant d’endosser aujourd’hui un rôle clé dans la mise en œuvre de notre Stratégie 2030. Quelles sont vos priorités ?
K.O. : Avec cette nouvelle stratégie, nous avons l’occasion d’impacter durablement les vies des producteurs. Il subsiste de sérieux problèmes que nous ne pouvons pas résoudre uniquement avec la certification, c’est pourquoi allons enchérir avec notre ambitieux travail sur l’agriculture régénératrice et le nouveau Programme pour des Paysages Florissants. En restaurant les sols pour en améliorer la productivité, l’agriculture régénératrice réussit à améliorer les moyens de subsistance des producteurs tout en abordant la question de la résilience climatique. Nous mettons en avant les paysages dits florissants pour entraîner des changements qui dépassent le cadre des exploitations individuelles pour se propager dans des paysages entiers.
Vous avez récemment obtenu un doctorat en chimie environnementale. En quoi cela vous aide-t-il aujourd’hui dans votre travail ?
K.O. : Pour ma thèse, je me suis penché sur l’usage des pesticides par les producteurs de cacao, et j’ai recueilli leurs opinions à ce sujet. Les producteurs ont beaucoup été formés aux conséquences néfastes des pesticides sur l’Homme et sur la nature, mais ils ne parviennent toujours pas à bien saisir les enjeux. Pourquoi une telle déconnexion ? J’ai publié un article de recherche dont la conclusion révèle qu’il est nécessaire d’adopter une approche ascendante dans notre travail.
Les entreprises et les ONG disent souvent aux exploitants agricoles ce qu’ils doivent faire plutôt que de leur demander quelle pourrait être la solution. Je m’attelle avec passion à comprendre le point de vue des producteurs et à y apporter une dimension scientifique pour étayer les politiques mises en place. Je trouve cela très épanouissant de contribuer du point de vue de la recherche afin d’appuyer tout le travail que nous accomplissons chez Rainforest Alliance.
Où est-ce que vous aimez vous rendre pour vous connecter à la nature ?
K.O. : Il s’avère que j’ai un beau jardin chez moi. La forêt publique de Bobiri, près de chez moi, est également un lieu où j’aime me ressourcer. Une multitude d’espèces de papillons et d’arbres y vivent. Lorsque l’équipe Global Leadership de Rainforest Alliance est venue au Ghana, nous nous sommes promenés en forêt toute une journée et y avons passé un excellent moment.
Quels temps forts dans votre carrière vous rendent particulièrement fier ?
K.O. : Travaillant dans le domaine du développement durable depuis assez longtemps, l’une de mes plus belles réussites fut lorsque nous avons convaincu un très grand groupe comptant 100 000 producteurs de cacao de chercher à obtenir la Certification Rainforest Alliance en 2018.
Je m’épanouis encore à l’heure actuelle en restant fixé sur mes objectifs et en faisant preuve de discipline. C’est comme cela que j’ai progressé dans ma carrière, d’abord en tant que formateur agricole, puis comme chargé de projet, directeur, et maintenant directeur principal. Mon équipe au Ghana est heureuse de voir le chemin que j’ai parcouru, et j’apprécie tout autant de voir bon nombre de mes collègues monter les échelons dans leur carrière pour occuper des postes à l’international. Nous sommes tous fiers des objectifs atteints ensemble. Au fond, je suis convaincu que si nous travaillons main dans la main et que nous ne perdons pas de vue notre objectif, nous sommes tous capables d’accomplir de grandes choses.
« Je m’attelle avec passion à comprendre le point de vue des producteurs et à y apporter une dimension scientifique pour étayer les politiques mises en place »
De quoi les initiatives pour les paysages ont-elles besoin pour réussir ?
K.O. : Lorsqu’il s’agit de travailler avec des producteurs et des communautés forestières sur l’agriculture régénératrice ou la gestion durable des paysages, il est impératif d’avoir en place une structure de gouvernance fiable. Une structure qui soit dirigée par la communauté à l’instar de notre Comité de gestion des paysages à Sui River (Ghana). Nous avons bâti une solide alliance dans cette région en travaillant avec des producteurs, des fonctionnaires de district, des ONG partenaires ainsi que l’entreprise Olam Food Ingredients (OFI) afin de protéger et restaurer les écosystèmes forestiers tout en renforçant la résilience climatique. Nous sommes à l’avant-garde de réels changements là-bas parce que les producteurs sont aux commandes avec l’aide de Rainforest Alliance, et que le secteur privé participe activement aux efforts menés.
Pour passer à l’étape supérieure, nous voudrions voir davantage d’engagements à long terme de la part des acheteurs et des donateurs. Le cycle des projets financés par les donateurs s’étale généralement sur deux à trois ans. Ce sont les donateurs qui accompagnent la mise en œuvre de ces projets. Si nous voulons avoir un impact plus vaste, nous devons mettre en place des mécanismes de financement durables ainsi qu’une stratégie bien définie. Ce n’est que lorsqu’un donateur ou une entreprise partenaire s’engage auprès d’une région sur 10 ou 20 ans et travaille main dans la main avec les producteurs aussi bien qu’avec les communautés forestières pour tirer parti de toutes nos interventions, que nous pouvons alors quantifier les progrès accomplis et observer des impacts durables. À l’avenir, Rainforest Alliance définira les priorités et donnera le rythme tout en faisant coopérer les donateurs afin que nous puissions faire ce qu’il y a de mieux pour le paysage de Sui River.
« Ce n’est que lorsqu’un donateur ou une entreprise partenaire s’engage auprès d’une région sur 10 ou 20 ans et travaille main dans la main avec les producteurs aussi bien qu’avec les communautés forestières pour tirer parti de toutes nos interventions, que nous pouvons alors quantifier les progrès accomplis et observer des impacts durables »
Qu’avez-vous appris des producteurs au fil des ans ?
K.O. : Ce que j’ai appris, c’est que nous devons placer les producteurs au cœur de notre travail. Il faut que nous voyions la relation entre les producteurs et notre organisation comme un échange mutuel. Cette approche donne aux producteurs l’opportunité de nous partager leurs récits. Elle nous aidera non seulement à améliorer l’aspect stratégique de nos interventions, mais nous permettra également de prendre en compte leurs inquiétudes dans notre travail à l’échelle nationale et internationale pour en renforcer l’impact.
Lorsque vous songez au chemin à parcourir jusqu’à 2030, quel impact espérez-vous avoir ?
K.O. : Je veux « voir les choses en grand », c’est-à-dire m’appuyer sur les approches dont nous savons qu’elles fonctionnent pour les appliquer à plus de producteurs, plus de paysages, plus de pays. Nous nous sommes fixé pour objectif de réussir à atteindre 100 millions de producteurs ruraux à l’horizon 2030 et je ne crois pas que cela soit trop ambitieux. Je pense que c’est le bon moment pour nous. Rainforest Alliance est forte de ses chiffres, son expertise et ses capacités. C’est pourquoi, à titre personnel, je suis on ne peut plus enthousiaste vis-à-vis de notre nouvelle stratégie. Je suis fermement convaincu que si nous réunissons nos forces et que nous nous fixons un but commun, alors nous serons en mesure de bâtir un meilleur avenir pour l’humanité comme pour la planète.